Le premier mars.

Publié le par Michel Gorsse

Le premier mars.

L’hiver ici c’est une traversée. On s’y engage le premier novembre pour n’en sortir que le premier mars. Ce sont là quatre mois d’efforts continus, quatre mois exclusivement occupés à résister. Résister aux froids, aux neiges, aux blizzards, aux longues nuits de gel et de tempête. Quatre mois où l’on se sent plus proche de l’animal que de l’homo citadinus ou du quidam télévisuel.

Le cerf efflanqué, le renard famélique, le piaf affamé, voilà les compagnons de cette traversée, le cercle de l’empathie. Leur détermination, leur cran à faire front, leur présence, est un encouragement permanent à ne pas mollir, à ne pas baisser les bras, à ne pas se plaindre. Entre eux et nous s’exerce une solidarité inter-règne, immatérielle peut-être, mais tellement essentielle, vitale, pour les uns comme pour les autres.

Ce sont là quatre mois quasi préhistoriques, quand l’homme ne pouvait dire non aux éléments qui se déchaînaient. La même soumission, le même fatalisme, la même obligation d’obéir à ce qui arrive et de l’affronter. Pas à tergiverser. Faire ce qu’il y a à faire. Se mêler à la bourrasque, braver la désolation, assurer le meilleur bien-être possible à toute vie sous notre responsabilité malgré l’hostilité climatique.

C’est usant, c’est de la dépense effrénée d’énergie, c’est quotidiennement de l’adrénaline grand débit. Pas de répit, c’est chaque jour la même âpreté, la même difficulté. Et il faut s’y tenir, s’y tenir coûte que coûte. Aucun temps pour relâcher complètement, pour couper le lien. Des pauses oui, pour se recharger, pour se réchauffer, pour se dégriser de cette folie qui sape le moral.

Alors on s’arc-boute, on serre les dents, on lorgne sur le calendrier la date du premier mars car c’est elle qui annonce la sortie du tunnel, la résurgence au monde du soleil, à la possible douceur de vivre. Ce jour-là, on dansera, on boira, on sera fier d’avoir passé l’hiver, d’avoir lutté sans trop faillir, sans trop maudire.

Et le premier mars, c’est demain !

 

 

Illustration : "Animal maigre et son ombre". Gouache. Michel Bories.

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B
Oui mais attention au dicton : Març marçot mata l'ovella i l'ovellot i el pastor si pot ! (Mars, méchant mois de mars, il tue la brebis et son agneau et le berger s'il le peut)
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B
Tu me donnes la chair de poule, camarade. Que le printemps te soit clément sur les chemins des chants d'oiseaux !
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