Je pleurerai

Publié le par Sylviane Blineau

Je pleurerai

Je pleurerai

 

C'est l'heure où je veux m'ancrer au ciel, à ses encres indigo. La nuit se glisse en moi, dessinant sur le sable des entrelacs métalliques. Assise face à la mer, me voici perdue. Déjà.

 

Je ne veux pas pleurer.

 

J'aperçois l'horizon constellé de lumières fugaces, irréelles. Balayant les grains de sable, mes doigts se noient dans l'intangible, enlacés par les parfums de nuit. Plus rien ne me concerne désormais sur cette plage, pas même le souvenir d'étés désespérément bleus, corps et âmes enchaînés à jamais, disions-nous.

 

Mais ce soir je ne pleurerai pas.

 

Nuit d'été où les poussières d'étoiles clignotent en rythme saccadé. Je lève gravement les yeux à la recherche des disparus. Humains ou sentiments se précisent un à un. Je deviens, je suis mémoire. En attente. Appels intérieurs, souffle battant.

Envolés, tous les serments d'amour, les promesses, les mots qui me faisaient irrésistible, aussi belle que la plus belle des madones. Vaste champ où je me perds en silence !

 

Demain, je pleurerai.

 

Car en ces prémices de nuit je veux n'être que moi. Avec l'intensité des derniers feux, nocturne et cependant consciente. Rythme sourd de la mer au coït. Rythme lunaire, rythme de chair. En ces va-et-vient, l'eau est d'oscillations dansantes.

Il semble que tes bras s'enroulent encore à moi, caressent mes cheveux, lissent mes yeux. Et je me laisse aller à croire, folie consciente, dérive délicieuse. Ce soir je capte les traînes ambrées de la comète amour, je m'en saisis douloureusement. Comme le temps a passé !

 

J'ouvre les doigts. Me reste un peu de sable mêlé aux regrets. Rien de plus.

Seule encore.

Et c'est déjà demain.

 

Je pleure.

 

Illustration : Photo © Michel Brack

 

 

 

Publié dans ESSEBÉ

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B
Merci de vibrer de cette manière.
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G
Encore un texte attendrissant, beauté du souvenir, de l'évocation, mémoire flamboyante. Une sensibilité et une écriture dont j'aime l'effleurement subtil
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