La mystérieuse quadrature du cercle
À propos de
L'ETOFFE DE LA NUIT
de Valérie CANAT de CHIZY et Gilbert DESCLAUX
( Editions Asile poétique)
Je reprends souvent le dernier recueil de poésie de Valérie Canat de Chizy, de peinture de Gilbert Desclaux et je m'interroge : qu'est-ce qui fait le charme et surtout l'unité de deux écritures - l'une langagière, l'autre plasticienne, a priori si différentes.
Là où Valérie est tout murmure, toute légèreté, toute suggestion, Gilbert déploie une force compacte dans le matériau qu'il manipule : le pastel.
Là où Valérie effleure le réel, Gilbert impose une lourde pression, là où les mots de Valérie s'effeuillent jusqu'à en perdre couleur, Gilbert dresse des teintes lourdes, graves, une solidité architecturale en contraste avec le souffle évanescent de Valérie. Pourtant l'ouvrage impose son pouvoir de séduction par une harmonieuse conjugaison, un subtil équilibre entre force et félinité. La voix de Gilbert résonne à travers les profondes arcades d'un bâti compact, solennel et charnel. Celle de Valérie s'ouvre au ciel dans sa légèreté.
Fusion heureuse des contraires, ou des complémentaires, unis en une mixité et l'équilibre d'un juste milieu, d'un moyen terme et d'une alliance heureuse autant que bienvenue...
Certes il existe des paysages où la lourdeur de la glèbe s'unit à l'immatérialité de la brise. Que faut-il dès lors chercher dans ce duo de création ? Sans doute un état d'équilibre, un medium ou un mixte dont chaque composante affirme sa propre singularité, et s'épanouit dans et par le travail de l'autre, un système d'équivalences, une mise en échos dans un assemblage où chacun sans trahir ses propres qualités s'épanouit et se grandit par l'apport de l'autre. Point de partage mais une mixité fusionnelle dans un espace commun. Il est des rencontres heureuses, d'énigmatiques accordailles que seul un talent en duplex peut atteindre.
A l'étalement gourmand de Gilbert, Valérie répond par le froissement soyeux d'un souffle. Ils occupent l'un et l'autre un espace commun hors tout partage mais dans une parfaite unité.
Observons seulement l'aspect rare, quasiment miraculeux de cette rencontre sans tenter la moindre dissection. Valérie tisse depuis plusieurs années la trame d'une œuvre poétique de haute tenue. Gilbert, quant à lui, recherche l'ombre et son cheminement créatif s'en enrichit d'autant.
Cet ouvrage à quatre mains mériterait une présentation et une reconnaissance publiques chez un libraire de la ville. Encore faudrait-il obtenir des auteurs un "nihil obstat".
Gérard SALGAS