Dans le silence des saisons (9)

Publié le par Alain Surre

Dans le silence des saisons (9)

On y montait parfois le soir

au grenier

ma grand-mère armée du gros couteau de cuisine

qu’elle venait d’aiguiser à la pierre

et moi la devançant avec une bougie

qui propageait des ombres fantasmagoriques

comme celles que j’imaginais dans les films d’épouvante

 

d’une caisse en bois

elle sortait un jambon enveloppé de linges

d’où s’échappait une odeur boisée

de fraîche salaison et de cendre mêlées

c’était d’abord une dégustation

fines lamelles de chair maigre et moelleuse

chapardées sur la lame

avant que celle-ci n’en détache la base

au ras de l’os

et puis toutes ces tranches bien épaisses

entassées dans l’assiette à charcuterie

pour le souper et les jours suivants

mais beaucoup trop me semblait-il

je lui disais d’en prendre moins

qu’on reviendrait

il était bien meilleur ici

le jambon – fraîchement découpé –

comme le café d’ailleurs – une fois passé –

et dans cette drôle d’association

de gestes et d’odeurs

je revoyais avec amusement ton air résigné

quand elle en faisait réchauffer sur la cuisinière à bois

de ce vieux café à la chicorée sans cesse rallongé avec de l’eau

parfois même bouilli.

 

Illustration : Anne Valayer-Coster (1767)

Publié dans Les temps modernes

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B
Savoureux jambon, exécrable café : les hauts et les bas de la vie à la campagne. On s'y croirait.
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E
Et où notre illustrateur va-t-il trouver ces reproductions en harmonie avec les textes? Bravo à celui qui illumine notre écran.
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N
Merci pour lui…
E
J'aime ce goût de "cambajo", et ces rituels paysans.
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