Et j'étais

Publié le par Olivier Morin

Et j'étais

Et j’étais subjugué, attaché sous le joug
Et tenu par les brides, et j’en redemandais
La chaîne d’attelage adoucissait le goût
Du garrot de voyage à l’aube de la forêt

Et j’étais conjugué, attaché de partout
Pris dans les jeux du lien, lié par les genoux
Et j’étais conjugal aux prises avec le nous
Jusqu’à la déliaison quand l’extra vint de vous

Et j’étais enjugué, prisonnier de vos ondes
L’encolure assagie et le licol offert
Et j’étais englué dans les terres profondes
À tirer le collier jusqu’au bout de mes fers

Je me suis dessanglé pour marcher à mon pas
Je me suis esseulé pour retrouver mon souffle
J’ai posé le harnais qui blessait nos ébats
Et libéré enfin mes envies de maroufle

Je me suis déréglé pour mieux me recentrer
Je me suis ébroué, j’ai déposé le bois
Du carcan de labeur qui fendait à l’été
J’ai porté mon regard bien au-delà des lois

Je me suis dételé, j’ai laissé le timon
Sur le sol abîmé, j’ai jeté ma têtière
Je me suis débridé de mes anciens démons
Le guide fatigué et le cuir en poussière

Je me suis ressourcé au réseau de galeries
À coup de résurgences et de musique aussi
Je me suis ressuyé comme un oiseau guéri
Après les pluies de notes quand frémit Debussy

Je me suis retranché pour mieux me réunir
Dans le chant lexical des animaux de nuit
Je me suis retiré pour mieux me ressurgir
Loin des atermoiements et bien loin des ennuis

Mon train de solitaire a l’amble naturel
Il laisse sur la terre des traces de vagabond
Des changements de cap quand passent les hirondelles
Et des hésitations les soirs de tourne en rond

                                                                        Illustration : Laurent Ribérat.

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