Dans le silence des saisons (4)

Publié le par Alain Surre

Dans le silence des saisons (4)

 

Dans le silence des saisons (4)

 

On attrapait les lapins les poules les chats

qu’on enfermait dans des panières en osier

le tout casé comme on pouvait

dans le coffre de la vieille SIMCA

et à l’arrière avec encore des bagages à nos pieds

s’il y avait de la place pour faire un seul voyage

 

je restais à la campagne avec ma grand-mère

chaque été durant

j’étais en leur compagnie

aussi celle des paysans

des vaches qu’on allait garder avec leur chien

et la saison passait

au gré des accompagnements des bêtes et des gens

des récoltes et des moissons

de ces travaux de la ferme

qui me paraissaient alors relever de la plus haute importance

puis septembre arrivait

ramenant tout son petit monde à la ville

pour des tâches de peu d’intérêt

sans qu’il puisse faire autre chose que les mener à bien

attendre une saison prochaine

et certains de rêver d’un long départ

qui serait un peu comme une transhumance.

 

*

Tu n’as pas pu venir à Recort

la dernière fois qu’on s’est vu

tu ne voulais pas qu’on s’inquiète

non c’était juste un peu de fatigue

et surtout ce mal aux reins

qui t’empêchait de rester debout

allez-y sans moi cette fois

tu m’avais expliqué où étaient l’essence

l’huile et le mélange déjà prêt pour le motoculteur

la débrousailleuse – qui démarrait un coup sur dix –

mais là-bas j’ai tout confondu

il y a avait des tas de bidons

de récipients parterre

sur les étagères dans la remise

dans la grange aussi

on a seulement ramassé les premières pommes

déjà tombées et sans doute véreuses

les dernières tomates

puis j’ai passé la faux derrière la maison

coupé quelques ronces

et pour le reste ça pouvait bien attendre

on préférait penser que tu viendrais

une prochaine fois

 

mais la situation ne s’est jamais présentée.

 

*

 

Illustration : Michel Gloaguen : " VACHES ".

 

 

Publié dans Les temps modernes

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B
C'est beau et vrai et triste. Continue, Alain. Je me retrouve un peu dans tes mots.
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A
Si j'ai bien compris : faut poursuivre... ben, on va essayer.<br /> Merci pour tous les commentaires.
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G
Bravo Alain; tu as trouvé un ton qui n'appartient qu'à toi.
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L
Magnifique et poétique témoignage de où est "l'essence" des choses.
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