Dans le silence des saisons (4)
Dans le silence des saisons (4)
On attrapait les lapins les poules les chats
qu’on enfermait dans des panières en osier
le tout casé comme on pouvait
dans le coffre de la vieille SIMCA
et à l’arrière avec encore des bagages à nos pieds
s’il y avait de la place pour faire un seul voyage
je restais à la campagne avec ma grand-mère
chaque été durant
j’étais en leur compagnie
aussi celle des paysans
des vaches qu’on allait garder avec leur chien
et la saison passait
au gré des accompagnements des bêtes et des gens
des récoltes et des moissons
de ces travaux de la ferme
qui me paraissaient alors relever de la plus haute importance
puis septembre arrivait
ramenant tout son petit monde à la ville
pour des tâches de peu d’intérêt
sans qu’il puisse faire autre chose que les mener à bien
attendre une saison prochaine
et certains de rêver d’un long départ
qui serait un peu comme une transhumance.
*
Tu n’as pas pu venir à Recort
la dernière fois qu’on s’est vu
tu ne voulais pas qu’on s’inquiète
non c’était juste un peu de fatigue
et surtout ce mal aux reins
qui t’empêchait de rester debout
allez-y sans moi cette fois
tu m’avais expliqué où étaient l’essence
l’huile et le mélange déjà prêt pour le motoculteur
la débrousailleuse – qui démarrait un coup sur dix –
mais là-bas j’ai tout confondu
il y a avait des tas de bidons
de récipients parterre
sur les étagères dans la remise
dans la grange aussi
on a seulement ramassé les premières pommes
déjà tombées et sans doute véreuses
les dernières tomates
puis j’ai passé la faux derrière la maison
coupé quelques ronces
et pour le reste ça pouvait bien attendre
on préférait penser que tu viendrais
une prochaine fois
mais la situation ne s’est jamais présentée.
*
Illustration : " VACHES ".